Analyse mondiale
Reportage. Au King of the Ring, les embrouilles se règlent avec les poings
Derrière un vieux club social de la banlieue de Manchester, au Royaume-Uni, de jeunes hommes viennent participer à des combats sauvages postés sur YouTube. Un moyen, à l’origine, de lutter contre le fléau des attaques au couteau. Mais chacun à ses raisons de venir en découdre, comme est allé le constater ce journaliste pour le site “The Mill”.
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Courrier international
Réservé aux abonnés Lecture 7 min. Publié le 13 octobre 2024 à 16h25
Dans la banlieue de Manchester, au Royaume-Uni, de jeunes hommes viennent participer à des combats sauvages.
“Tu combats, mon pote ?” me demande Warren, un ancien portier dont le visage est encadré d’une barbe de trois jours grise et d’une casquette Balenciaga. Je suis au King of the Ring [“Roi du ring”] un gala de boxe officieux qui se déroule derrière un vieux club social de Stockport.
Non, je ne combats pas, réponds-je. J’écris. Un peu honteux, je parle à toute vitesse. Mais voilà qu’un autre type, un toubib, me repère et lâche : “Ah ouais, tu as combattu chez nous avant, non ?” Eh non, non plus.
C’est dommage parce qu’il leur faut quelqu’un pour la catégorie des 75 kg. Il y a eu un désistement et un homme appelé “Warlord” [“seigneur de la guerre”] – je vous jure que c’est vrai – se retrouve sans adversaire. Je ne fais pas 75 kg et je ne suis pas en état mental ni physique de combattre contre Warlord. Il se trouve que Cam non plus, mais il se porte quand même volontaire.
“Passer le temps”
Cam est laconique et a le mot “hanté” tatoué au-dessus du sourcil droit, deux spires de fil de fer barbelé de chaque côté des lèvres et “Loyauté plutôt que Royaulé” sur le pectoral gauche –apparemment ils ont oublié de mettre la barre au t. Cam était juste venu voir son ami Adam, qui est sur la carte depuis des semaines et a eu au moins du temps pour se préparer, mais il va combattre. On l’emmène passer un examen médical et on le pèse. Il tourne autour de 60 kg, mais il est toujours partant.
Je lui demande pourquoi il fait ça alors qu’en ce chaud dimanche il aurait pu regarder les autres combattre sur la terre dure, morte, de la cour du club social en se tapant quelques bières. Warlord fait 20 kg de plus que lui. Warlord a les veines qui courent comme des éclairs palpitants sur chacun de ses membres. Warlord est littéralement le King of the Ring actuel. Cam répond : “J’ai juste fait : j’y vais. Pour passer le temps.”
Poser la lame
King of the Ring a été lancé en 2022 par RemDizz – il préfère que je m’en tienne à ce sobriquet – comme un antidote aux attaques au couteau. L’idée, c’était que si deux personnes avaient un problème assez grave pour que l’une en vienne à poignarder l’autre, elles pouvaient plutôt le régler à coups de poings ici. La devise de l’évènement, c’est :
“Pose le couteau, sers-toi de ta gauche et ta droite.”
“Au début, on a commencé juste pour arrêter les embrouilles, déclare RemDizz. Si tu es un de ces gens qui ont cette vie-là, si tu as une grosse embrouille avec quelqu’un et que ça va aller plus loin, tu viens ici et tu règles l’affaire.”
RemDizz a le milieu de la vingtaine et a grandi à Chorlton, un quartier du sud de Manchester. Il n’a jamais été attiré par la vie à laquelle il fait référence, c’est-à-dire la délinquance. Il a simplement vu une occasion à saisir après avoir vu des événements similaires sur YouTube, et il voulait marcher sur les traces de son frère qui a toujours eu l’esprit d’entreprise.
“Cet endroit a sauvé des vies”
Une violence moindre pour prévenir une violence mortelle – le concept me semble tordu au départ mais tout le monde m’assure que ça marche. “Je te le dis, déclare Warren, cet endroit a sauvé des vies.” Il me pa
rle d’un combattant, dont